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Shining (1980)

Comme tous les grands Kubrick, Shining est un film programme qui se détraque à peine. Dans la séquence de l’entretien d’embauche, Jack Torrance est prévenu de ce qui l’attend. Ca tombe bien, ça lui convient, et sa femme "adore les films d’épouvante. En exhibant l’ombre de l’hélicoptère de tournage qui suit la voiture à travers les montagnes et en laissant Nicholson grimacer sa névrose dés les premiers plans, Kubrick reprend le fil qu’avait commencer de tisser Psychose, rideaux de douche compris. Mais lui annihile tout suspens, tout est déjà joué, reste "seulement" à le faire apparaître.
Les grosses ficelles du film d’horreur n’auront qu’une fonction révélatrice. Derrière les fausses pistes explicatives se dissimule la dernière chance d’un homme qui veut devenir son enfant, se libérer des contingences familiales et parvenir à une jeunesse éternelle, donc morte. Roi sans divertissement, Jack se dépêche d’aller jouer à la balle une fois écrite l’histoire de sa vie, une fois son roman achevé. Chef-d’oeuvre de lucidité critique, celui-ci tient en une phrase, forcément définitive : "All work and no play makes Jack a dull boy". Exclu du jeu il lui faut inventer le sien. Et relever le défi d’en faire un film, visible par tous, quitte à ce qu’il lui échappe pour contaminer les autres. Sa femme finira, elle aussi, par voir les flots de sang qui s’échappent de l’ascenseur. Cette propagation de la vision intime, devenue inscription ineffaçable parmi les ruines d’un passé Paramount, résonne comme la confession affolée du créateur qui chuchote ses peurs sous les hurlements de la foule.
Frédéric Bonnaud

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